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  • Photo du rédacteurNicolas Szafranski

Otages à Entebbe

J'avais vu il y a quelques années le début de Tropa de Elite. Je n'avais pas spécialement accroché à l’esthétique du film, ni au sujet. Ma seule véritable expérience du cinéma du brésilien José Padilha se résumait jusqu'à alors à son remake mal bâti de RoboCop. Le réalisateur en était ressorti essoré, le tournage s'étant transformé pour lui en bras de fer avec le studio, qui rejetait 9 de ses idées sur 10. "Un enfer" a t-il ainsi confié à son confrère et compatriote Fernando Meirelles. Après un passage par la case série avec Narcos, il était revenu au cinéma en 2018 avec Otages à Entebbe. Un an et demi après en avoir acheté le blu-ray, je me suis dit qu'il était enfin temps de le découvrir.



Après avoir vu le film puis lu quelques avis le concernant, je me suis alors souvenu que c'était la critique assez élogieuse de Corentin Lê publiée sur le site Critikat qui avait à l'époque motivé mon achat. Un achat que je n'ai pas regretté. Otages à Entebbe se révèle être un solide film historique, tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, une réalisation tonique, avec une composition du cadre élégante. Il y a par exemple ce plan, sur le tarmac, lors du réapprovisionnement de l'avion dans un aéroport libyen, où Daniel Brühl et Denis Ménochet paraissent si petit à côté de l'engin. Comme si le réalisateur avait tenté de présenter par ce jeu d'échelle des personnages dépassés par une Histoire plus grande qu'eux. Et il y a cet assaut final, anti-spectaculaire, monté en parallèle à une performance de danse contemporaine réalisée par une troupe israélienne, où le bruit des mitrailleuses se soustraient aux percussions et paroles bibliques du morceau Echad Mi Yodea. L'art comme arme de lutte et comme outil de libération des consciences. La scène a fait couler de l'encre. Personnellement, je la trouve splendide, très cinématographique. A quoi servirait le cinéma si ce n'est pas pour transcender la réalité.


Sur le fond, une écriture efficace et un usage pondéré et intelligent du flash-back permettant d'apporter un éclairage sur les raisons de la présence de membres de Revolutionäre Zellen dans ce combat mené par des palestiniens. Ce qui m'a véritablement séduit, c'est justement cette attention qui est porté aux personnages et ce sens de l'Histoire qui irrigue le récit. Il y a le cas de conscience de Wilfired Böse, anarchiste allemand se défendant d'être un nazi alors qu'il doit trier les passagers juifs. Ce passage où il découvre le matricule tatoué sur l'avant-bras d'une vieille femme, survivante de la Shoah, m'a collé des frissons. Je ne sais pas quel part de fiction et de réalité il y a dans cette scène, mais elle crée fugitivement un vertige autour de ces individus enchaînés à l'Histoire. Il y a également la compatriote de Böse, Brigitte Kuhlmann, qui semble constamment nager à contre courant de ses émotions pour ne pas être détournée de sa mission. Les preneurs d'otages palestiniens (qui énoncent également quelques vérités), les politiques israéliens, les militaires, l'infâme dictateur Idi Amin Dada, tous ces acteurs ont leurs places dans le récit, sans jamais que Padilha fasse preuve d'indulgence à leur égard. Ce qu'il nous expose, c'est une vérité humaine, celle de terroristes qui n'ont pas encore totalement franchi le Rubicon, et une réalité politique, cette impasse dans laquelle se trouve les négociations de paix entre la Palestine et Israël.


Otages à Entebbe n'est pas un chef d'oeuvre. Il y a des imperfections (le dénouement apporté à l'appel téléphonique que Kuhlmann passe à son compagnon par exemple, que je trouve grossier) et peut-être matière à discussion sur sa véracité historique. Mais il ouvre le champ à la réflexion. Et c'est là l’essentiel.

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