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  • Photo du rédacteurNicolas Szafranski

A tombeau ouvert

2000. La carrière de Nicolas Cage était encore en bonne santé, ne présentant aucun des symptômes du syndrome de glissement qui allait l'atteindre à la fin de la décennie. Là, il roulait, A tombeau ouvert, pour Martin Scorsese, dans les artères new-yorkaises, le stéthoscope pendu autour du cou. Frank Pierce est ambulancier. A la tombé de la nuit, il sillonne avec ses partenaires un New-York hystérique, victime de la misère humaine et terrassé par une nouvelle drogue, la "mort rouge". Vêtus de blanc, nimbés d'une lumière d'un blanc aveuglant, lui et ses coéquipiers font figure d'anges dans ce pandémonium. Des anges déchus. Car Frank a une crise de foi. Dès mois qu'il n'a pas sauvé une vie. Son esprit ne cesse de ressusciter les morts (Bringing out the dead, comme l'indique son titre original), de réanimer Rose, une vagabonde qui lui a claqué dans les bras un jour d'hiver. L'alcool. La cigarette. Les cocktails élaborés à l'arrière de l'ambulance. Rien ne permet à Frank de réduire ses fantômes au silence. Ses insomnies, la souffrance du monde qu'il affronte quotidiennement et qu'il fait sienne, cette vie à contre temps, tout cela creuse ses yeux et bouffe son âme. Il épuise son quota d'arrêts maladies. Il multiplie les retards afin de contraindre son employeur à le virer. Mais son licenciement est sans cesse renvoyé aux calendes grecques, faute d'effectif. 5 ans qu'il fait ce boulot. Cela est si peu. Cela fait déjà beaucoup.



Il ne reste alors à Frank qu'à se noyer dans l'effervescence urbaine et retrouver du sens à sa mission. Etre le témoin des derniers souffles des mourants. Au hurlement des sirènes, se substitue un montage syncopé et une réalisation explosive. Le réalisateur Martin Scorsese reforme le duo de Taxi Driver avec le scénariste Paul Schrader pour prescrire un film tachycardique, sous amphétamine, faisant péter l’encéphalogramme du roman original dans lequel son auteur, Joe Connelly, livrait le fruit de ses neufs années à sillonner les rues de Hell's Kitchen au volant d'une ambulance. Dans l'ombre des Casino, Affranchis et Shutter Island, A Tombeau ouvert ne semble pas encore obtenir les faveurs de la postérité. Rare pourtant sont les évocations aussi fiévreuse de ce métier. Rare également sont les films ayant su représenter de manière aussi puissante le bordel s'emparant des urgences. Et dans cet enfer urbain et médical, des éclaircis. La présence de Mary Burke (excellente Patricia Arquette), ancienne junkie et jeune femme en détresse face à la mort imminente de son père. Les étincelles d'un chalumeau scintillant dans la nuit telles des feux d'artifice, célébrant la libération d'un homme empalé sur un balcon. Un corps épuisé se ressourçant dans les bras d'une femme, à la lumière du jour.


Magnifiquement entouré de Ving Rhames, Tom Sizemore et John Goodman, Nicolas Cage se montre magistral, comme il pouvait l'être à cette époque. Suffisant pour ressusciter la mémoire de ce film injustement oublié dans la filmographie de Scorsese.

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